La cense de la Tourette, ou la Tourelle, à Huissignies, ferme seigneuriale, avec ses bâtiments majestueux, apparaît en 1550 sur une peinture à la gouache d’Adrien de Montigny (albums de Croy). Son origine remonte peut-être au XVème siècle, voire milieu du XIVème.
On distingue parfaitement la silhouette de la ferme dont la tourette domine largement au-dessus de la toiture. (Juste à côté l'église, à sa gauche)
C’était un important domaine agricole de plus de trente bonniers, comprenant une ferme fortifiée avec tourette, une tour de guet, pigeonnier, murailles d’enclose, porche d’entrée avec armoiries en clé de voûte, des terres et à quelques centaines de mètres, un moulin à vent. La surface était en quadrilatère. C’était un fief important de la seigneurie de Ladeuze mais enclavé dans le village de Huissignies. La cense était bâtie au champ des Fourches en la couture de la croix occidentale, tenant au chemin de Blicquy à Mons, en la rue de la Maladrie, aujourd’hui rue de l’église.
Carte Ferraris (1770) sur laquelle apparait la Cense de la Tourette
La propriété sera démolie en 1967. La démolition permettra de découvrir dans le corps de logis une armoire murale ayant autrefois fait office de chapelle castrale ainsi qu’une scène religieuse peinte sur plafonnage. Dans la grande salle de séjour, se trouvaient de vieilles poutres en chêne portant des fleurs de lys sculptées. Ces poutres sont conservées par les actuels propriétaires de l’emplacement de la cense de la Tourette. Le porche d’entrée à front de rue fut démonté le 28 janvier 1967 et la pierre d’armoiries qui ornait son fronton fut récupérée par les mêmes propriétaires.
Sculpture sur une des poutres
La cense de la Tourette vers 1940-45, aujourd’hui démolie. Au-dessus du porche d’entrée, on distingue la pierre portant les armoiries Dessuslemoustier.
Pierre portant les armoiries de Dessuslemoustier et la gravure :
« Dessuslemoustier
17 Crye Bovekercke 19 »
Cette mention rappelle qu’à l’origine la famille Dessuslemoustier s’appelait « Bovekercke »
La date de 1719 figurant en bas du blason laisse supposer que le porche fut construit cette année-là.
A cette date Thomas Dessuslemoustier (1682-1738), Seigneur du Broeucq, épousa Isabelle Mesnage.
Le 8 février 1716, il avait acquis la cense de la Tourette qui était jusque-là propriété de Demoiselle Caroline d’Oudart, veuve de Jean Ledru.
Thomas Dessuslemoustier décèdera en 1738, laissant son épouse à la tête d’une famille de 9 enfants en vie. Ils eurent en tout 12 enfants. Ils naquirent tous à Huissignies et y furent baptisés.
Les archives témoignent de l’énergie et du dévouement qu’elle dépensa sans compter pour les établir honorablement.
Elle sacrifia sa résidence de la Tourette pour permettre à son fils aîné Jacques Antoine Joseph de se mettre au service du roi et de lever une compagnie d’infanterie wallonne au service des Pays-Bas autrichiens. Un noble se mettant au service du roi levait des soldats qu’il devait équiper et payer. Jacques Antoine Joseph Dessuslemoustier fut incorporé au 38ème régiment d’infanterie de Ligne pour lequel il devint capitaine major au service impérial et commandant de la ville de Damme de 1760 à 1781.
En 1764, il dresse l’arbre généalogique de la famille et est à l’origine des documents viennois.
En 1782, après 40 ans de bons et loyaux services militaires, il introduit une demande auprès de l’empereur d’Autriche pour accéder au titre de baron.
Il prit sa retraite au Havre, mais par la suite revint à Mons pour être plus près de sa fille Catherine dont la mort prématurée choqua énormément son père qui mourut peu de temps après, en 1792. Il avait épousé Marie Anne Catherine Caupain en 1751 à Mons.
C'est lui qui, après le décès de son frère aîné, devint l'héritier féodal de la Tourette à Huissignies et c'est donc pour lui que la propriété fut sacrifiée.
Deux autres de ses frères embrassèrent aussi la carrière militaire tandis qu’un autre frère et les sœurs entrèrent en religion ; ces dernières au couvent de Ath. Tous les enfants sont donc devenus soit militaires, soit religieux.
Après la vente de la ferme et d’une partie du domaine, la veuve de Thomas Dessuslemoustier se retire en la ville de Mons où elle décèdera en 1756. La cense de la tourette aura été vendue vers 1747 puisque le dernier fermage payé à Isabelle Mesnage date de cette année-là.
Le moulin à vent qui faisait également partie de la ferme brûla partiellement en 1889 et fut démonté en 1890.